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Un bout d'astéroïde sur terre - Hayabusa2 | Une dose d'espace
Ce samedi cinq décembre vers 18h, soit juste à temps pour la Saint-Nicolas, une petite capsule d'échantillons rentrait dans l'atmosphère.
Au risque de temporairement vous décevoir, non, il ne s'agit pas des échantillons lunaires de la mission Chang'e-5.
C'est bien mieux.
Ces échantillons, ce sont ceux prélevés sur l'astéroïde Ryugu par la mission Hayabusa2.
Avec l'événement que représente ce retour d'échantillons, je crois qu'il est temps de tenir une promesse de longue date et d'enfin parler de la mission japonaise Hayabusa2, de son passé comme de son avenir, qui s'annonce grandiose.

La casule d'Hayabusa2, filmée pendant son retour sur terre



Hayabusa-2.
Si vous suivez, même de loin, l'actualité spatiale, ce nom doit fatalement vous dire quelque chose:
lancée en 2014, cette mission de retour d'échantillons ( mais pas que, on en reparlera ) aura marqué les esprits.

Que ce soit pour ses passagers ( ici aussi, on en reparlera ), les magnifiques vues de Ryugu où tout simplement son impact scientifique, Hayabusa-2 est l'une des missions phares de la décennie.

Ryugu, immortalisé par Hayabusa2 le 25 juillet 2018.


Cependant, avant de parler d'Hayabusa2, je vous propose de remonter le temps pour parler de son ancêtre, Hayabusa.
Comme son nom le laisse penser, Hayabusa2 n'est pas la première mission de retour d'échantillons lancée par la JAXA, l'agence spatiale japonaise.
Le 9 mai 2003, le lanceur Japonais M-V (M-5) s'élance depuis son pas de tir du centre spatial d'Uchinoura, au Japon.



à son bord, vous vous en doutez, se trouve la mission Hayabusa, qui part vers l'astéroïde Itokawa, qu'elle rejoindra le 12 septembre 2005, soit près de 20 ans après la sélection de la mission, en 1995.
Sans trop rentrer dans les détails, Hayabusa disposera d'un épisode dédié, la mission subira une suite de malheurs et d'incidents.

Vue d'artiste d'Hayabusa et de l'astéroïde Itokawa


Au final, la capsule d'Hayabusa, "petite" mission de 500 kilos, se posera avec succès en Australie en 2010.
Soit trois ans de retard sur le calendrier initialement prévu.
En 2005, peu avant de prendre la route du retour, Hayabusa souffrira en effet d'une fuite de carburant, qui désaligne la sonde et entraînera une perte de communication de quelques mois.
Quand je vous disais qu'Hayabusa, ce n'était pas du gâteau.
Et encore, je ne vous ai pas encore parlé d'atterrissage non contrôlé et de la perte du petit atterrisseur américain Minerva. Mais ça, ce ne sera pas pour aujourd'hui.

Désolé.


Mais c'est promis, je parlerai d'Hayabusa le plus vite possible. Cependant, chacun de ces incidents est bien trop intéressant pour pouvoir en parler dans cet épisode, sans trop le prolonger où omettre des informations importantes.
L'essentiel à retenir d'Hayabusa, c'est que la mission sera, presque contre toute attente, un succès.
1500 poussières provenant d'un astéroïde géocroiseur, qui croise l'orbite de la terre, seront ramenées sur terre et permettront ainsi de mieux comprendre notre système solaire.
Une des poussières ramenées par Hayabusa


Malgré ces difficultés, la JAXA, l'agence spatiale japonaise, aura pu se faire la main sur ce type de missions périlleuses:
Ainsi, en 2006, le développement d'une copie d'Hayabusa est validée. Cependant, il devient clair que plusieurs aspects doivent changer, notamment au niveau du système de collecte d'échantillons.
La sonde change donc d'aspect en 2009, moins d'un an avant le début de son développement, en 2010. Au final, si Hayabusa2 reprend certains aspects d'Hayabusa, elle est 100 kilos plus lourde.
Hayabusa2 est ainsi équipée de deux antennes haut-gain au lieu d'une seule pour Hayabusa.
ce choix permet ainsi de communiquer en bandes X et Ka. La bande Ka est notamment utilisée pour le transfert de données d'observations avec un débit de 32 kilobits par secondes, quatre fois plus qu'en bande X, qui est elle utilisée pour communiquer avec Hayabusa-2.

Vue d'artiste d'Hayabusa2 près de Ryugu


Ceci étant dit, je vous propose de faire un petit saut dans le temps et de se retrouver le 3 décembre 2014.
Ce jour-là, un lanceur HII-A s'élance depuis le centre spatial de Tanegashima, au Japon, avec à bord, vous vous en doutez, la mission Hayabusa2.
La sonde commence lors un long voyage de trois ans et demi vers l'astéroïde Ryugu.

Lancement d'Hayabusa2


À partir de mars 2015, la sonde va utiliser trois de ses quatre moteurs ioniques, le quatrième ayant subi une avarie, pour progressivement modifier son orbite autour du soleil en vue d'un survol de la terre en décembre 2015.
Cette première mise à feu durera près de 409 heures.
Cela peut sembler long, mais il ne faut pas oublier qu'Hayabusa2 utilise une propulsion ionique:

Sans trop rentrer dans les détails, cela signifie qu'au lieu de brûler un mélange de gaz, elle va ioniser, donc charger électriquement un seul gaz.
Ce gaz (du xénon) sera ensuite accéléré et éjecté pour produire une poussée.
Si cette poussée est très faible, elle est en revanche
extrêmement rentable: son rendement (que l'on nomme impulsion spécifique / ISP) est près de dix fois supérieur à un moteur-fusée classique.

Vue d'artiste montrant les trois propulseurs d'Hayabusa2


S'il faut bien plus de temps pour modifier la vitesse du véhicule, l'économie de carburant (et donc de poids) en vaut la peine. Hayabusa2 se servira donc encore de ses propulseurs pendant 102 heures, en juin, et seulement 12 heures en septembre.
Finalement, un an jour pour jour après son lancement, le 3 décembre, la trajectoire d'Hayabusa2 l'amenait tout près de la terre.
Hayabusa2 allait en effet se servir de l'attraction de la terre pour se catapulter vers sa cible.
Pour cela, elle frôlera la terre et passera près de 3000 kilomètres seulement au-dessus de Hawaï.

Cette photo-ci, par exemple, a été prise quelques heures seulement après le survol

Après ce passage, les moteurs d'Hayabusa2 seront encore mis à feu pendant près de 3352 heures.
Ces multiples ajustements de trajectoire (dont les vitesses allaient de 400 mètres à 40 centimètres par secondes) permettront ainsi à la sonde d'être sur la bonne trajectoire pour rencontrer Ryugu.

Finalement, le 27 juin 2018, Hayabusa2 se placera enfin en orbite autour de l'astéroïde Ryugu.
En revanche, Hayabusa2 commencera à photographier l'astéroïde bien avant son approche, comme ici, le 17 juin:


Où encore ici, la première image de Ryugu prise par la sonde, le 26 février 2018:

( HIP1535 est une étoile )


On est très loin des magnifiques vues de l'astéroïde qui seront prises pendant le restant de la mission.


Et justement, il serait peut-être temps d'en parler, du restant de la mission:
Pendant ses deux premiers mois de mission, mission qui doit durer un an et demi sur place, Hayabusa2 va effectuer plusieurs allers et retours entre une altitude de 20 et 5 kilomètres, dans le but d'étudier Ryugu, sa surface, et de voir des détails d'environ un mètre.
Dés lors, les équipes se rendent vite compte que l'astéroïde s'avère radicalement différent par rapport à ce qui était prévu:
Il est moins dense et surtout a une surface bien plus accidentée, ce qui rendra la collecte d'échantillons bien plus compliquée. à partir d'août 2018, la sélection des sites d'atterrissage commence pour les rovers Minerva-II et l'atterrisseur germano-français MASCOT.

Le 11 septembre 2018, Hayabusa2 commence une répétition de la collecte d'échantillons, qui doit l'amener à 60 mètres seulement du sol. Malheureusement, l'altimètre LIDAR de la sonde ne parviendra plus à mesurer correctement l'altitude et, à près de 600 mètres d'altitude, la manœuvre est annulée. L'astéroïde est en effet également moins réfléchissant que prévu, et cela rend les mesures d'altitude plus compliquées.
10 jours plus tard, le 21 septembre 2018, Hayabusa2 s'approchera cette fois à 60 mètres avec succès, et laissera alors tomber vers l'astéroïde les deux petits rovers Minerva-II1, baptisés Rover-1A Hibou et 1B Owl.

Vue d'artiste des rovers Minerva-II1


Les deux petits rovers Minerva deviendront ainsi les premiers à photographier, filmer et se poser à la surface d'un astéroïde. wbr> Équipés de panneaux solaires, ces petits rovers de 18 par 7 centimètres se déplaceront à la surface de l'astéroïde en effectuant de petits bonds à la surface.
Pour cela, ils utilisent des roues à réaction ( dérivées d'un gyroscope ) pour tourner sur eux-mêmes, ce qui, grâce à la très faible gravité de l'astéroïde, leur permet de légèrement s'élever et avancer.
Hibou survivra pendant près de 36 jours et renverra 609 images, là où Owl n'en renverra que 39 images en trois jours de mission.


quelques photos des Minerva-II1


Équipés de caméras et thermomètres, il permettront de mieux analyser et observer la surface de l'astéroïde.
Une autre variante des Minerva-II1, nommée Minerva-II2, et développée par des universités japonaises, devait également être déployée pendant la mission Hayabusa, mais le rover cessera de fonctionner avant son déploiement.
Minerva-II2 sera finalement utilisé comme petit impacteur le 2 octobre 2019, pour mesurer la gravité de l'astéroïde.

Minerva-II2


Le trois octobre 2018, c'est au tour de l'atterrisseur européen MASCOT, petit atterrisseur de 9,6 kilos et de 29 par 27 par 19 centimètres.
MASCOT est équipé d'un magnétomètre, d'un radiomètre, d'un spectromètre ainsi que d'une caméra, qui lui permettront d'analyser son environnement une fois posé, comme la composition du sol, son magnétisme et ses propriétés thermiques.
En revanche, et contrairement aux Minerva-II, il dispose d'une batterie qui lui permet 16 heures d'autonomie mais n'a pas de panneaux solaires pour se recharger, ce qui signifie qu'il a une durée de vie très courte.
En revanche, pour l'anecdote, le radiomètre infrarouge embarqué par l'atterrisseur martien Insight est basé sur celui de MASCOT.

L'atterrisseur américain Insight


Pour se poser, les rovers Minerva et l'atterrisseur MASCOT n'utilisent aucune propulsion: largués à quelques dizaines de mètres de l'astéroïde, ceux-ci tombent simplement lentement vers celui-ci, en raison de sa faible gravité.


De haut en bas: MASCOT pendant sa descente, puis une photo de la surface de Ryugu prise par MASCOT.



Mais revenons-en à Hayabusa2.
Le 21 février 2019, après quelques mois de retard, Hayabusa2 effectue avec succès sa première récolte d'échantillons.
Si elle a tant de retard (la récolte d'échantillons aurait dû avoir lieu en octobre 2018) c'est parce que l'astéroïde s'est avéré plus accidenté que prévu. Avec cela, plus les difficultés de l'altimètre, il sera nécessite de s'assurer de la capacité de la sonde à se guider automatiquement pour la récolte, mais aussi de définir un périmètre bien plus précis: la zone de prélèvement ne fait que 20 mètres, contre une centaine de mètres au départ, sur un astéroïde d'un diamètre de 870 mètres.

animation de la première collecte d'échantillons


Cela implique donc que la sonde devra manœuvrer bien plus précisément si elle ne veut pas risquer de toucher un rocher et d'être endommagée, ce qu'elle évitera avec succès.

Le 11 juillet 2019, Hayabusa2 effectue une seconde collecte d'échantillons, mais cette fois-ci en envoyant d'abord un impacteur et une caméra le cinq avril, pour pouvoir récolter des échantillons de sol qui n'ont pas été altérés par les radiations du soleil.
De plus, l'impacteur permet (en plus de "nettoyer" une fine couche de sol pour accéder aux couches non altérées) de mesurer la rigidité du sol, ainsi que la solidité des roches et d'étudier la formation de cratères sur l'astéroïde.

images de la sonde pendant la seconde collecte


Animation du déploiement de l'impacteur


La mission Hayabusa2 effectuera encore une troisième et dernière tentative collecte d'échantillons (seconde tentative de collecte d'échantillons de surface), sans impacteur.
À ce moment, Ryugu approche déjà de son périgée, le point le plus proche du soleil, et la température de plus de 100 degrés rendra l'approche de la sonde quasiment impossible (la lumière et la chaleure réfléchie par Ryugu deveant dangereuse pour les instruments, en cas de trop longue et trop proche exposition). Une première tentative pour larguer un marqueur sera effectuée, mais une fois de plus, l'altimètre ne pourra plus mesurer l'altitude, et Hayabusa2 remontera.
Tant que j'en parle, les marqueurs utilisés pour marquer les points de collecte sont tout simplement de petites sphères réfléchissantes.

Pour en revenir aux échantillons, la troisième collecte sera finalement annulée pour des raisons tant de timing que de sécurité.
Finalement, le 13 novembre 2019, Hayabusa2 prend le chemin du retour.


Les échantillons se sont ensuite posés en Australie, ce cinq décembre 2020 aux environs de 18h, dans la région de Woomera, plus précisément de sa base et de son aéroport militaire, une zone inhabitée.

D'ailleurs, si vous vous demandez l'utilité des équipements portés par les équipes de récupération, sachez qu'il s'agit d'une sécurité : la capsule utilise en effet de petits systèmes pyrotechnique pour déployer ses parachutes, notamment, et il y a toujours le risque qu'une petite détonation n'ait pas lieu au bon moment.
Mais revenons en aux échantillons.
Vous les voyez ici, séparés de la sonde près de quatre heures avant la réentrée. D'ailleurs, Hayabusa2 en profitera pour photographier, de nouvelles fois, la terre.


Un long travail d'analyse commence donc, dans un centre d'ailleurs spécialement construit à cet effet.
L'objectif, avec cette mission, est principalement de nous aider à mieux comprendre la formation du système solaire, mais aussi l'apparition et la distribution de composés organiques dans celui-ci.
Si nous ne sommes probablement pas encore prêts de comprendre exactement comment la vie est apparue sur terre, des missions comme Hayabusa2 sont, en revanche, des étapes clés pour avancer vers cette compréhension.
Hayabusa2 nous en aura donc beaucoup appris, et ses six années de mission pour quelques grammes d'échantillons laisseront probablement une grande marque dans la conquête et l'étude du système solaire.
Mais la sonde n'a pas fini de nous en apprendre sur notre système solaire: ses caméras infrarouges, spectromètres, ses multiples caméras et tous ses instruments fonctionnent encore.
De plus, elle n'aurait utilisé que 39 kilos de carburant, sur les 60 disponibles.

Alors, malgré son voyage de cinq milliards 271 millions de kilomètres, il a été décidé de prolonger la mission: celle-ci devrait survoler l'astéroïde 2001 CC21 en 2026, un astéroïde de type L (une classe réfléchissant mieux l'infrarouge, de par leur composition) mais dont on ne sait pas encore beaucoup de choses. Finalement, elle rejoindra l'astéroïde 1998 KY26 en 2031, après deux survols de la terre.
D'ailleurs, pour l'anecdote, elle devrait tenter, en fin de mission, de se poser sur ce dernier.
1998 KY26 est un astéroïde assez particulier: d'une trentaine de mètres, celui-ci fait partie des astéroïdes en rotation rapide, avec sa rotation de seulement une dizaine de minutes.
Pour comparer les astéroïdes, son autre cible, 2001 CC21, qu'elle ne fera que survoler, fait entre 300 et 1500 mètres de diamètre.
Contre 800 pour Ryugu.

Autant vous dire que, même si les instruments de la sonde ne sont pas faits pour imager une cible pendant un survol à haute vitesse, les images s'annoncent magnifiques.
D'autre part, pendant son voyage vers 2001 CC21, Hayabusa2 tentera, aussi, de découvrir de possibles exoplanètes transitant devant leurs étoiles. Elle essaiera, également d'étudier les poussières interplanétaires.
Mais pour tout ça, il va falloir, hélas, encore un peu attendre.
En attendant la suite, je vous propose de se quitter sur ces quelques images de la terre et de la lune, photographiée par Hayabusa2 juste avant son premier survol, en 2015, de Ryugu, et de la terre, au moment du retour des échantillons.







l'impact laissé sur Ryugu lors de a seconde collecte, avec l'impacteur



Minerva-II2






Dernière mise à jour le: 01/01/1970 00:00