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La Chine décroche la Lune ! ( Chang'e-5 )
Le 22 août 1976, une petite capsule contenant 170 grammes de poussières se pose en Sibérie. Cette capsule, c'est celle de la mission soviétique Luna-24.

Lancée le 9 août, soit à peine deux semaines plus tôt, la mission avait décollé vers la Lune, plus précisément la mer des crises, à bord d'un lanceur Proton-K.
D'ailleurs, pour l'anecdote, la mission américaine Lunar Reconnaissance Orbiter ( LRO ) a photographié l'atterrisseur de Luna-24 en 2012, permettant de plus précisément le localiser dans la mer des crises:

La partie atterrisseur de Luna 24, photographié par LRO


Vous vous demandez peut-être: "pourquoi je vous parle d'une mission soviétique dans un article sur une mission chinoise ?"
Et bien pour une seule et bonne raison:
Luna-24 est la dernière mission, à l'heure actuelle, à avoir ramené sur terre des échantillons du sol lunaire. Cela fait donc près de 44 ans que plus aucun échantillon du sol lunaire n'a été ramené sur terre.
Pourtant, ce ne sont pas les missions de retour d'échantillons qui ont manqué, entre Hayabusa, Osiris-REX, Genesis et Stardust, pour ne citer qu'elles, plus d'une sonde a tenté de nous ramener un petit morceau de notre système solaire.

Vue d'artiste de la mission Osiris-REX ( NASA ) prélevant un échantillon du sol de l'astéroïde Bennu.


Malheureusemet, l'astre le plus proche, et celui qui a le plus à nous apprendre sur la formation de la terre, est resté au second plan pendant longtemps.
Depuis quelques années, cependant, la Lune semble regagner un intérêt auprès des agences spatiales. Il y a bien sûr, la NASA avec le programme habité Artemis, mais aussi les agences spatiales européennes, indienne, et celle qui fait le plus parler d'elle ces dernières années:
L'agence spatiale chinoise, abrégée CNSA, pour China National Space Administration.
Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, entre Luna-24 en 1976, et la chinoise Chang'e-3, en décembre 2013, aucun appareil ne s'est posé en douceur sur la Lune.

Je ne vais, cependant, pas trop parler des missions Chang'e-3 et Chang'e-4: les deux sont relativement identiques, et j'ai déjà parlé de Chang'e-4 dans un ( très ) ancien épisode.
L'essentiel à retenir, c'est que Chang'e-3 et Chang'e-4 sont toutes deux des missions composées d'un atterrisseur et d'un rover. Si dans le cas de la mission Chang'e-3 le petit rover Yutu a cessé de transmettre en avril 2015, Yutu-2, de la mission Chang'e-4, semble, lui, en parfait état à l'heure actuelle, et fêtera ses deux ans sur la Lune le trois janvier 2021.



Le petit rover et l'atterrisseur de la mission Chang'e-4, qui se sont photographiés mutuellement.


Si ces missions se sont déjà avérées d'un grand intérêt, tant scientifique que technologique, elles servent surtout à préparer le terrain pour des missions de plus grandes ampleur, ce qui nous amène à Chang'e-5.
Le 23 novembre 2020, le lanceur Longue Marche 5 s'est élancé depuis son pas de tir de Wenchang.
Ce monstre de 53 mètres de hauteur et de 867 tonnes au décollage lançait la mission Chang'e-5 vers notre satellite, sur lequel elle devrait dans les environs du 27 novembre, pour un retour sur terre le 16 où le 17 décembre.

Le lanceur Longue Marche 5, lançant Chang'e-5.


Si tout se passe bien, la mission devrait se poser à 90 kilomètres du Mons Rümker, un massif montagneux situé au nord de l'océan des tempêtes.


Chang'e-5 est une mission de 8,2 tonnes composée de quatre modules:
Un module de service, un atterrisseur, un module de remontée et une capsule d'échantillons.
Pour ramener ses échantillons sur terre, Chang'e-5 va utiliser une technique semblable à celle des missions Apollo:
Tandis que le module de service reste en orbite lunaire, l'atterrisseur va faire atterrir le module de remontée et le container d'échantillons. Ensuite, une fois que les échantillons seront collectés, le module de remontée décollera seul avec les échantillons, en abandonnant l'atterrisseur.
Il se placera ensuite seulement deux jours seulement après son atterrissage, sur une orbite de parking. Sur cette orbite de 15 kilomètres par 180, Chang'e-5 déploiera ses panneaux solaires et se séparera de son adaptateur avec l'atterrisseur, qui révélera alors un port d'amarrage.
Il ira ensuite rejoindre le module de service, auquel il ira s'amarrera grâce à un système d'amarrage miniaturisé. Pour l'anecdote, celui-ci est dérivé de celui utilisé par les cargos Shenzou pour s'amarrer aux stations spatiales Tiangong.

Schéma représentant le déroulement de Chang'e-5



Le cargo Shenzou-11 ( à gauche ), s'amarrant à la station Tiangong-2 ( à droite )


Finalement, deux jours après sa mise en orbite, le module de remontée s'amarrera au module de service et les échantillons seront à ce moment-là transférés dans la capsule de retour.
Après-cela, le module de remontée est à son tour largué, et le module de service effectuera de petits ajustements pendant près de six jours, en attendant le bon moment pour mettre ses propulseurs à feu et faire route vers la terre.
Ensuite, pendant près de quatre jours et demi, comme à l'allée, la mission fera route vers la terre avant de larguer la capsule de retour d'échantillons, à 5000 kilomètres de l'atmosphère.
La capsule frôlera ensuite l'atmosphère une première fois, afin de rebondir dessus et remonter à une altitude de 100 à 140 kilomètres.
Cette manœuvre permettra ainsi à la capsule d'éviter de faire subir trop de chaleur et de pression à son bouclier thermique, ce qui permet de garantir la sécurité des échantillons qui se poseront ensuite en Mongolie.
Pour ceux qui voudraient avoir une meilleure vue du déroulement de la mission, une vidéo montrant son déroulement a été publiée par la CNSA, et la voici:


Pour en revenir aux échantillons, des échantillons, il y en aura:
La capsule peut en accueillir quatre kilos, et la mission devrait en récolter minimum deux.
Pour récolter ces échantillons, Chang'e-5 va utiliser un bras robotisé équipé d'une foreuse, qui devrait aller chercher les échantillons jusqu'à deux mètres de profondeur.
Mais Chang'e-5 ne fera pas que récolter des échantillons, loin de là, même:
La mission est en effet équipée d'une caméra panoramique, qui permettra de photographier le terrain autour de la sonde, mais aussi un radar pouvant pénétrer la surface de la Lune à plus deux mètres de profondeur.
En plus de ces deux instruments, Chang'e-5 embarque aussi un spectromètre qui permettra d'analyser le sol autour de l'atterrisseur, pour déterminer l'endroit le plus intéressant pour un forage.

La mission Chang'e-5, pendant son assemblage


L'objectif, est, ainsi, d'en apprendre plus sur notre satellite, sa formation, son évolution ainsi que son volcanisme passé.
Et c'est l'une des raisons qui ont poussé l'agence spatiale chinoise à choisir la région du Mons Rümker ( à vos souhaits ):
Ses dômes, créés par une activité volcanique, s'avèrent en effet relativement jeunes pour une activité volcanique lunaire: entre 3,5 et 3,7 milliards d'années, en fonction des formations.
Certains matériaux seraient même âgés de moins de trois milliards d'années, ce qui rend la région encore plus intéressante. De plus, la région semble également relativement riche en KREEP.
Bon là je sens qu'il va falloir ouvrir une parenthèse.

Sans trop rentrer dans les détails, le KREEP est une roche volcanique qui a été créée lors de la formation de la Lune, après l'impact d'une planète avec la terre. Rien que ça.
Ce matériaux s'avère riche en potassium, dont le symbole atomique est K, du latin Kalium.
Il est également composé de terres rares, Rare Earth Elements ( REE ), et en phosphore, dont le symbole atomique est P.
KREEP. CQFD.
L'analyse de l'environnement de l'atterrisseur et des échantillons permettra, ainsi, de permettre de mieux dater l'arrêt du volcanisme sur la Lune et par la même occasion de mieux comprendre son évolution.
C'est d'ailleurs pour ça que les environs du Mons Rümker ont été choisis:
Aucune mission, que ce soit Apollo où une autre mission robotique n'a encore étudié cette zone, qui est l'une des plus jeunes du sol lunaire.
Il sera donc, vous l'aurez compris, très intéressant de suivre l'analyse de ces quelques kilos d'échantillons, dans les prochains mois et les prochaines années.

La capsule de la mission Chang'e-5 T1


Vous comprenez maintenant, pourquoi l'entrée dans l'atmosphère se fait avec tant de précautions: les échantillons sont très précieux, d'un grand intérêt scientifique et, même si la Chine effectuera d'autres missions de ce type, les échantillons restent irremplaçables.
C'est d'ailleurs en partie pour cette raison que la Chine lança en 2015 la mission Chang'e-5 T1, pour Test 1.
Cette mission, dont la plateforme qui contient la capsule est simplifiée et basée sur les architectures des sondes Chang'e-1 et 2, permet de tester le retour dans l'atmosphère après un aller-retour autour de la Lune.

Chang'e-5 T1 fera d'ailleurs de la Chine le troisième pays à faire un aller-retour vers la Lune, après les Etats-Unis et l'URSS.
Chang'e-5 est alors prévue pour décoller en 2017, et sera achevée cette année-là.
Mais malheureusement, un échec du lanceur Longue Marche 5 un peu plus tôt en 2017 entraînera de sérieux retard, la Chine préférant éviter tout échec pendant le lancement, ce qui se comprend.
Il suffit de voir le récent échec du lancement de Vega avec la mission Taranis...

D'ailleurs, en parlant de l'Europe, la mission Chang'e-5 est l'occasion pour l'agence spatiale chinoise de collaborer avec l'ESA, qui prêtera un relais de communication situé à Kourou pour suivre le retour et le décollage de la mission. Cette mission sera, en tout cas, d'un intérêt certain à suivre.
En attendant, c'est tout pour cette semaine.
Comme d'habitude, prenez soin de vous, et à bientôt, pour une nouvelle dose d'espace !


Dernière mise à jour le: 01/01/1970 00:00